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Edito Juillet Aout 2020

Huit minutes exactement avant l’annonce de la fermeture des établissement scolaires dans toute la France, je répondais à quelques enseignants qui me posait la question sur cette possibilité d’interdire l’École à plus de 12 millions d’élèves : « Non ! C’est beaucoup trop compliqué de fermer les établissements scolaires ».

Nous étions le 12 mars et depuis il s’est passé tant de choses dans les lieux sacrés de l’apprentissage que ma prédiction aurait encore moins imaginée. Au moment où j’écris ces lignes, il reste quelques jours avant que le collège ne ferme ses portes aux élèves et cette fois-ci de façon traditionnelle.

Nous n’aurons pas fait de 3ème trimestre, nous n’aurons pas fait de passation d’examen, nous n’aurons pas récupéré tous nos manuels scolaires, nous n’aurons pas fait notre journée de l’Élégance…. Nous n’aurons pas fait comme nous avons l’habitude de faire. C’est là l’intérêt intellectuel de cette période : nous nous sommes torturé l’esprit pour pouvoir répondre à ce que nous devons faire habituellement dans une situation complétement inhabituelle.

Soyons honnête, cette torture nous a poussé dans nos derniers retranchements et je reprendrai ce que nous a dit un membre éminent de notre direction académique : « Je comprends votre épuisement, votre ras-le-bol dans cette période infâme ».

Peut-on toutefois tirer bénéfice de cette crise sanitaire qui nous a obligée à sortir des chemins tout tracés ? J’y vois au moins deux pistes de travail intéressantes : la première concerne évidemment l’usage du numérique, la deuxième, la lecture sociale de notre public scolaire.

Le bond en avant forcé dans l’usage des supports numériques pour tous les enseignants, les élèves et même les parents est important. Nous avons été obligés de trouver les moyens, hors présentiel, de continuer à faire de l’enseignement, de porter vers les apprentissages, de soutenir les plus en difficulté avec des ressources qui, si elles sont utilisées en classe, l’étaient moins à la maison. Nous avons mieux appris à nous en servir et peut-être il y a là une expérimentation à proroger à l’avenir.

Deux regrets cependant : le constat que nous élèves ne sont pas si à l’aise avec le numérique. S’ils sont imbattables dans les commandes de Fortnite ou dans l’utilisation des réseaux, ils le sont moins avec des outils numériques plus bureautiques. Il faudra se pencher davantage sur les maniements de ces outils et leur faire apprendre les bases nécessaires. Deuxième regret : nous pouvons déplorer que les enseignants aient dû faire tous ces échanges numériques avec leurs propres ressources matérielles.

Le second intérêt que j’ai perçu dans cette pédagogie distanciée est qu’elle a permis de mieux prendre conscience de la difficulté que pouvaient avoir les élèves face au travail personnel. Si nous écartons la dimension numérique où la fracture existe entre ceux qui en ont la maîtrise et les autres, certains de nos élèves, et ils sont plus nombreux qu’il y a une dizaine d’années, vivent dans des situations sociales qui rendent difficile la réalisation du travail personnel à la maison.

L’absence d’aide familiale, faute de capacité ou de temps, les conditions de promiscuité avec d’autres enfants de la fratrie ont rendu la tâche difficile. Il faut donc être conscient que pour ces élèves-là, le travail personnel quotidien nécessaire à l’évolution de leurs apprentissages ne se fait pas ou peu, même hors confinement.

La motivation pour se mettre au travail a souvent besoin d’un soutien moral : « Allez, il faut se mettre à faire tes devoirs » est un début mais il est important que le soutien soit sur un temps plus long et de façon régulière. Tous les élèves ne peuvent en bénéficier. Il y a donc ici une réflexion sur la quantité et la qualité de la demande de travail personnel qu’il faut sûrement plus individualiser et plus ajuster aux environnements de chaque élève.

Cette période exceptionnelle nous incite donc à mieux analyser ces deux domaines et à en faire émaner des processus plus affinés et mieux adaptés.

En conclusion, cette période fut longue à vivre, pas toujours agréable, jamais facile et assurément épuisante pour l’équipe de direction du collège. Après encore quelques jours de travail intense pour préparer la prochaine rentrée, nous allons pouvoir prendre un peu de répit pour attaquer l’automne avec toutes nos forces et, espérons, dans des conditions plus normées.

L’éminence académique, que j’ai citée en début de cet édito m’a dit à l’écoute du bilan négatif que je faisais de ces derniers 120 jours : « M. Milhorat, si vous démissionnez, appelez-moi avant ». Je ne l’appellerai pas et serai encore à la tête de ce collège, -dans lequel j’apprécie de travailler- à la rentrée 2020.

Je souhaite en attendant de bonnes vacances à tous et vous recommande de maintenir votre vigilance pour que notre rentrée soit la plus traditionnelle possible.

D. Milhorat